Le point sur l’utilisation des produits phytosanitaires à usage non agricole et bonnes pratiques !
 
Les produits phytosanitaires appartiennent à la famille des pesticides : ce sont principalement les herbicides, les fongicides et les insecticides.
 
La loi Labbé encadre l’utilisation des produits phytosanitaires de synthèse sur l’ensemble du territoire national. Depuis le 1er janvier 2017, elle en a interdit l’usage à l’ensemble des personnes publiques (l’État, les collectivités territoriales et leurs regroupements, les établissements publics). Tous les produits phytopharmaceutiques sont visés, hormis les produits de biocontrôle, les produits qualifiés à "faible risque" ainsi que les produits d’agriculture biologique.
 
Cette loi évolue de façon régulière. Après les collectivités, la vente de ces produits a été interdite aux particuliers en 2019. Depuis le 1er juillet 2022, ce sont les professionnels du paysage qui sont concernés. Les entreprises n’ont plus le droit d’appliquer ces produits dans les jardins de particuliers, tous les lieux de vie privés (copropriétés, établissements d’enseignement et de santé, lieux de travail, résidences hôtelières, campings, jardins familiaux…), les collectivités.

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Depuis le 1er janvier 2019, il est donc interdit d’acheter, de stocker et d’utiliser des produits phytosanitaires. Pour des produits achetés avant le 1er janvier 2019, vérifiez que vous pouvez toujours les utiliser et donc les détenir. Pour cela, rendez-vous sur le site https://ephy.anses.fr/ et recherchez les infos sur votre produit en saisissant le numéro d’autorisation de mise sur le marché (n° d’AMM) indiqué sur l’emballage. Si l’usage n’est plus autorisé aux particuliers, vous ne pouvez plus le conserver. Il est alors de votre responsabilité de l’apporter dans un point de collecte agréé comme les déchetteries de Fleurieux ou de Courzieu.Le non-respect de ces obligations constitue un délit qui peut être sanctionné par de lourdes peines : six mois d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

 Même si certains produits sont qualifiés « à faible risque » et autorisés dans les jardins, ils ne sont pas inoffensifs pour l’environnement et la biodiversité.
 Il est donc important de suivre des règles : certaines sont obligatoires, d’autres relèvent de bonnes pratiques et de notre respect pour la nature qui nous entoure :

Ne traitez pas :
=> A moins de 5 mètres d’un cours d’eau ou d’un point d’eau : l’application directe de tous les pesticides est interdite en France sur le réseau hydrographique : cours d’eau, plans d’eau, mares, fossés, canaux, bassins de rétention d’eaux pluviales, caniveaux, bouches d’égout…
=> Si le vent a une vitesse supérieure à 3 sur l'échelle de Beaufort (soit environ 19 Km/h) : si les feuilles des arbres sont agitées en permanence
=> Si l’intensité des précipitations est supérieure à 8mm/heure
=> Pendant la période de floraison et de production d’exsudats (résines, gommes, sève…)
=> En journée : pour éviter de contaminer les abeilles qui suivent le rythme du soleil ; ne traitez que tôt le matin ou tard le soir lorsque les abeilles se retirent des fleurs

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Pour parler de l’impact des pesticides sur les abeilles, nous avons rencontré Jean-Claude Girard.

Jean-Claude Girard est un apiculteur amateur bien connu des Fleurinois. Lorsque son oncle lui donne une ruche il y a 40 ans, il se prend de passion pour les abeilles et depuis, il veille sur ses protégées.  
 
Ingénieur électrotechnique à la retraite, ses voyages professionnels à l’international ne l’ont jamais retenu bien longtemps loin de ses ruches et de la nature qu’il aime tant.Il leur consacre désormais une grande partie de son temps. Membre du syndicat d’apiculture du Rhône, de la Métropole et de la région lyonnaise qui compte 800 adhérents, il s’est vu décerner la médaille d’or 2018 pour la qualité de son miel.
Il appartient également à la coopérative du même syndicat, qui permet aux apiculteurs de la région de s’approvisionner en matériels et en essaims et a animé des séances de découverte au sein du rucher école situé à VetagroSup à Marcy l’Etoile. Dispensées par des bénévoles, ces formations vont de la découverte de l’abeille et de l’apiculture jusqu’à la formation à des gestes techniques avancés comme le greffage et l’insémination des reines.
 
Jean-Claude s’est occupé pendant longtemps d’une vingtaine de ruches : « on ne s’en rend pas forcément compte de l’extérieur, mais cela demande beaucoup de suivi et de travail. Pendant l’hivernage, d’octobre à février, on doit réviser le matériel, refaire des cadres avec de la cire ou repeindre les ruches ».
 
Tant de soins apportés, de temps dédié, expliquent évidemment l’attachement qu’il ressent pour ce petit monde si bien organisé. Quant à l’univers apicole, « il est extraordinaire : nous sommes tous des passionnés, très solidaires et l’honnêteté est une valeur forte ».
 

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Quand il y a danger, Jean-Claude Girard, plutôt taiseux, sort du silence pour parler des effets foudroyants et délétères des pesticides
 
Dans nos esprits, les abeilles sont source de nombreux bienfaits énergétiques et sont le signe d’une campagne en bonne santé. Mais au-delà, c’est bien d’elles dont dépend l’avenir de notre alimentation car la disparition de l’abeille touche l’ensemble de la chaîne alimentaire.
  
Abeilles et alimentation humaine : une relation gagnant-gagnant… ou perdant-perdant
 
Saviez-vous qu’après les cochons et les vaches, les abeilles sont le troisième animal le plus important pour l’agriculture ? Dans la mesure où 80% des espèces végétales dépendent de la pollinisation, on prend rapidement conscience de l’importance des pollinisateurs pour notre sécurité alimentaire, même si en habitant « au vert » on a l’impression d’être moins impactés.

Une explication…
Les abeilles mellifères et les plantes à fleurs entretiennent une relation gagnant-gagnant, depuis des centaines de milliers d’années. Les insectes trouvent leurs aliments : le nectar et le pollen. Et les plantes sont pollinisées avec une grande efficacité (transport du pollen des organes de reproduction mâle vers les organes de reproduction femelle pour permettre la reproduction). L’Homme profite donc aussi de ce mutualisme entre insectes et plantes puisque la plupart des espèces cultivées dépendent des abeilles domestiques.

…Et quelques chiffres :
- Au niveau mondial, les abeilles interviennent à hauteur de 30% du tonnage de notre alimentation, soit 153 milliards d’euros
- 84% des espèces cultivées en Europe dépendent directement des insectes pollinisateurs et pour plus de 90% : des abeilles domestiques.
- Les cultures les plus dépendantes de la pollinisation par les insectes sont aussi celles qui ont la valeur économique la plus importante.
 A terme, moins d’abeilles = moins de revenus pour les agriculteurs et/ou augmentation des prix pour  les consommateurs
Les cultures les plus dépendantes de la pollinisation par les insectes sont aussi celles qui ont la valeur économique la plus importante.
- 75% de nos aliments risquent d’être affectés par la disparition progressive des abeilles
Sources : études INRA et CNRS, Projet européen STEP sur l’état des pollinisateurs, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine (IMBE)

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On comprend donc bien l’impact de la mortalité des abeilles sur l’alimentation des 8 milliards d’êtres humains que nous sommes…
  
Or, les abeilles font face depuis plusieurs décennies à une addition de facteurs provoquant leur déclin.
 
Parmi ces derniers : les infections parasitaires, les prédateurs comme le frelon asiatique, la monoculture qui appauvrit les ressources en nectars, le dérèglement climatique et enfin, les pesticides.

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« En 2008, lors du Grenelle de l’environnement, la France a mis en place un plan pour diviser par 2 l’utilisation des produits phytosanitaires à l’horizon 2018. En 2020, après 12 ans et deux révisions du plan d’action, leur utilisation a augmenté et le nombre total d’hectares traités est 10% plus élevé qu’en 2008.
En 2021 il s’en est vendu 68 000 tonnes. La France compte presque 68 millions d’habitant, ça fait donc plus d’1kg de pesticides par an et par habitant : herbicides, fongicides, insecticides etc…. Je crois que chacun est conscient de la toxicité pour l’homme, pour les abeilles c’est juste catastrophique. Et les pires ce sont bien sur les néonicotinoïdes.
 
Dans les années 90, on a introduit une bombe atomique chimique dans l’environnement : les néonicotinoïdes. Pour 10kg de DDT utilisés auparavant, on n’avait plus besoin que d’1 seul gramme de pesticide à base de néonicotinoïdes, soit 10 000 fois moins, c’est vous dire la puissance de ce produit.
Au départ on ne le retrouvait pas dans les abeilles parce qu’on ne savait tout simplement pas le détecter. Depuis, on sait identifier cette molécule qui est ultra toxique, tout comme les adjuvants qu’on rajoute pour la commercialiser. Ce pesticide systémique c’est le cauchemar des apiculteurs. La dose mortelle pour les abeilles c’est un nanogramme, soit 1 milliardième de gramme »

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Les néonicotinoïdes  :
 

Le principe des néonicotinoïdes est de s’incorporer à la sève de la plante, d’où son appellation de « systémique ». On le retrouve alors partout : feuillage, nectar et pollen. Il attaque le système nerveux des insectes présents dans quasiment tout ce que l'homme sème et récolte. Mais cette famille de molécules ne fait pas la différence entre une chenille et une abeille. …. Même si elles ne sont pas en contact avec une dose immédiatement létale, l’impact est considérable : les néonicotinoïdes agissent sur la capacité à butiner qui implique la mobilité, l’apprentissage et la mémoire ainsi que l’orientation et la communication. Ils affectent aussi l’interaction nourrisseuse et larve, la reproduction.
 
7 substances néonicotinoïdes sont (ou ont été) exploitées depuis leur introduction sur le marché dans les années 90. 5 sont interdites en France depuis 2018 avec une dérogation accordée jusqu’en 2023, pour les betteraviers. 2 sont donc encore autorisées : on les retrouve dans les médicaments vétérinaires comme les traitements contre les puces des animaux de compagnie et les produits biocides tels que les traitements des bâtiments d’élevage ou les appâts contre les nuisibles pour les usages domestiques.

 

« Ces produits sont donc pour la plupart désormais interdits en France. Mais vu ce qui m’est arrivé cet été, on a le droit d’être sceptique…
 
J’ai perdu 4 ruches à cause des pesticides. Quand on sait qu’il y a en moyenne 50 000 individus dans une ruche, ce sont donc 200 000 abeilles qui sont mortes. Les signes sont clairs en cas d’empoisonnement : elles commencent par être stressées, elles s’agitent dans tous les sens, elles tremblent, tirent la langue et meurent.
 
Je voulais avoir des certitudes concernant l’empoisonnement de mes ruches, j’ai donc fait faire une analyse par l’Office de Mortalité des Abeilles et le verdict est tombé : empoisonnement par pesticide, et pas n’importe lequel : un pesticide interdit en France ! Si on ne le savait pas déjà, il est donc clair que certaines personnes peu scrupuleuses continuent à s’approvisionner et à utiliser des produits dangereux pour les abeilles et aussi pour l’homme car ils persistent dans les produits de la ruche (miel, cire).
 
C’est impossible de se protéger contre ces poisons. Au moment de la floraison des arbres, les abeilles se ruent sur le pollen et le nectar dans un rayon de 3km. Si elles butinent des plantes infectées par un pesticide, elles le répandent dans toute la ruche quand elles rentrent.
 
On avance dans la règlementation, aussi bien pour les particuliers que les professionnels, mais force est de constater que certains passent encore outre : achats à l’étranger, sur internet ou utilisation de stocks désormais interdits qui auraient dû être amenés en déchetterie.
 
En attendant, pour les produits autorisés, certaines bonnes pratiques déjà obligatoires pour les agriculteurs, peuvent aider les apiculteurs et protéger les abeilles (cf supra).
 
Par avance merci à vous
Pour elles
Et donc pour nous tous